Extrait du journal de Nathalie Michel

 

Extrait du journal de Nathalie Michel du 19 août 2014 

 

… A Caen, mercredi, je suis allée voir l’exposition de BLegay. Comme c’était bon de le voir. Il en impose, il a changé, tellement changé en deux années…Il est rentré dans sa gravité, tout au fond de son grave. C’est sans retour.

Il m’avait donné rendez-vous et nous sommes allés ensemble à « Samdi galerie ». Des mots passent en boucle dans ma tête : légèreté, poudre, étoile, vie, matière, énergie et photographie.

Photographie parce que empreinte mais morcelée, résiduelle, détachée de son support, matérielle et trop fine, translucide, pour l’être vraiment. On devine le cétacé et la vague, morceaux d’images figées dans l’espace, petites sculptures hologrammes. Formes fugitives insaisissables et pourtant immuables, réelles. Au-delà de la photographie. C’est l’image argentique, numérique échappée de son support, sa partie lumineuse.

Tout ce nouveau travail, tout en étant le prolongement de ce que j’ai connu depuis plus de vingt ans, est imprévu. La légèreté, la lumière, l’énergie sereine de ces pièces m’a sidérée. Ca parle de peinture aussi, j’ai vu Caravaggio, Bocklin, Chardin, Richter, Pollock…

Oeuvre résiduelle, poudre d’étoiles, visions, veines, formes en état tel, avant-après apparition ou effacement, après vie, pendant matière. Légère comme de la lave restée en suspend, illuminée après refroidissement gris. Morceaux de couleurs capturées, indéfiniment, dans le noir illuminé. Eclats d’incandescence.

Lucioles, oui la petite toile de veines vert pâle c’est de la peau de luciole en plan rapproché, c’est à pleurer. Lueurs pâles

Il est question depuis longtemps de lumière, empreinte, résidu, matière, merveilleux, peaux de chair, de terre, végétales, minérales. Il est passé longtemps par l’ombre, comme dans un tunnel, il nous ramenait les échos des gorges, des canyons, des vallées, des ombres, à force de se cogner, de buter contre les parois il y eut chocs, étincelles, feu.

Dans ces nouvelles pièces c’est comme s’il avait vu l’autre côté. Alors quelques formes essentielles du monde sont éclairées, luisent et semblent pouvoir perdurer. Il est désormais question d’un maintenant qui n’aura plus de fin, c’en est fini des ombres du souvenir, il n’en reste que la peau soumise à l’éclat de l’instant, dans toute la cruauté d’un impossible infini.

C’est la lumière dans le jour, ce sont des lucioles diurnes. C’est la couleur retrouvée, dans la matière même. C’est tout autour à nouveau qui est obscur. Et plus ça sera sombre autour plus ses œuvres seront luminescentes, c’est pour ça, c’était donc ça la Vallée de la misère, un passage, une voie. Il en revient les mains pleines de cristaux, poussière d’éboulis, essences du chaos.

Comme il paraît soudain opaque le sublime Ciel étoilé de Van Gogh à côté des « efflorescences » !

Et ce petit gouffre-lac qui me rappelle tant ce lieu so near to the heart où je cherche à retourner depuis tant d’années ! De tout son noir, ce lieu unique d’où semblent venir toute la chair des autres pièces autour. J’y ai retrouvé ma carrière, noyée, paisible telle une clairière. Echos.

Le tout est poème, articulation du monde entre visible et extraordinaire, matière et perception, phénomène et mémoire. Il va là peut-être où peu osent s’aventurer, ceux qui par pudeur font un détour parce que c’est secret, c’est peut être trop puissant, intenable, cette beauté. Lui il y va, autant que dans le noir parce qu’il le faut. Et il nous le rend. Il nous rend cette part là, il y va vraiment, là où ça crépite, où ça consume. Et puis il le donne, il l’offre, il amène là les luisances.

Mais qui reconnaît cette énergie, qui n’a pas peur de cette beauté là, qui ?

 

Nathalie Michel

Auteure d’un court métrage : Ci-vit produit par Le Fresnoy

et de deux recueils :

Souffle Continue aux éditions Lanskine et Ir-cela Revue Lampe-tempête en ligne